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Mauvesin, l’ambitieux Moulis

Après deux ans de travaux, le Château Mauvesin-Barton est prêt à relever le défi de ses propriétaires : ramener dans la lumière cet ancien cru bourgeois.

 

j.desport@sudouest.com

Si l’appellation Moulis a pu sembler quelque peu endormie ces dernières années, il serait toutefois judicieux d’ouvrir l’œil. Et de tendre l’oreille. Car, sans faire trop de bruit, deux grandes familles du vin y ont planté leurs dents avec un sérieux appétit, éclairant d’un nouveau jour ce terroir dont le porte-drapeau reste l’incontournable Château Chasse-Spleen.

En effet, alors qu’en 2008 Matthieu Cuvelier et son père, les propriétaires de Clos Fourtet, l’une des pépites de Saint-Émilion, ont racheté Poujeaux et ses 70 hectares, ils ont été rejoints en 2011 par Michel Sartorius et son épouse, Lilian Barton. Lesquels, déjà propriétaires de deux grands crus classés en 1855 à Saint-Julien – Léoville Barton et Langoa Barton -, ont acquis le Château Mauvesin.

Lumière naturelle

Un domaine de 200 hectares d’un seul tenant, dont 46 de vignes en appellation Moulis. Le tout accompagné d’un château XIXe donnant sur un plan d’eau bordé de conifères séculaires. Une demeure construite en 1853 sur les ruines d’une authentique forteresse avec mâchicoulis et meurtrières.

Toutefois, si ce château de style Louis XIII, avec ses deux tourelles, avance avantageusement ses charmes, c’est bien la remise en état du vignoble, où d’importants travaux de drainage ont été menés, et la modernisation de ses installations techniques qui ont mobilisé en premier lieu l’énergie de la famille Barton. Et, après deux ans de travaux, entre rénovation de l’existant et construction de bâtiment, le résultat est à la hauteur.

Baigné de lumière naturelle et tout en sobriété, le nouveau cuvier de 630 mètres carrés aligne 24 cuves en acier inoxydable thermorégulées de diverses contenances. Pour le chai, qui se trouve à quelques mètres seulement, Michel Sartorius n’a pas cherché à concurrencer les grands crus classés, pour lesquels rien n’est trop beau. Ici, les barriques reposent sur un lit de gravillons blancs dans une ambiance de pierres apparentes et de bois. Un parti pris qui rappelle avec justesse que le vin, s’il peut atteindre la lune, vient d’abord de la terre.

Élégance

Reste que ses ambitions, elles, sont élevées. Et il ne s’en cache pas : « Ce vignoble s’était assoupi, reconnaît-il. Mais, par le passé, il a été cru bourgeois. Il y a un potentiel. Nous souhaitions investir pour nos enfants, et le but, c’est, d’ici à une dizaine d’années, de réussir à talonner Chasse-Spleen. » Rien de moins. Et cette franchise n’a rien d’une bravade : « Nous sommes dans le métier depuis longtemps, on est aussi négociants, on sait où l’on va », appuie-t-il.

Toutefois, c’est en copilote qu’il parle. Car c’est bien sa fille Mélanie qui a pris la direction du domaine, il y a un peu plus d’un an. À 25 ans, cette jeune œnologue diplômée, qui a déjà vinifié en Italie, fait ses premiers pas en douceur, épaulée par le maître de chai. « Je travaille aussi en liaison avec François Bréhant, le directeur technique de Léoville Barton et de Langoa », glisse-t-elle. L’œnologue-conseil de la famille, Éric Boissenot, est également de la partie. Résultat : si leur premier millésime, le 2011, a d’emblée confirmé tout le potentiel de ce vignoble, il a surtout dessiné la trame de ce cru où l’élégance sera bien l’un des fils rouges. Et la signature des Barton. Pour autant, Mélanie Sartorius, qui a réalisé de bout en bout le 2013, ne s’emballe pas : « Il va falloir être patient. Nous n’en sommes qu’au début », prévient-elle. Un domaine à suivre, donc.